Train d'Enfer
Il y a maintenant huit jours que je crapahute dans ces montagnes du centre du Pérou. Les mains, les oreilles et le front tannés par un soleil piquant, les cheveux en broussaille, rendus crissant par la poussière du chemin, je me languis d’un minimum de confort. Jusqu’à présent, pour passer le froid de la nuit, j’ai pu demander asile dans de petites fermes. Logeant le plus souvent dans les étables, la chaleur des bêtes m’a protégé de la morsure du gel nocturne, encore présent à ces altitudes, malgré la saison réputée douce. Harassé par une épuisante randonnée d’une semaine sur les sentes rocailleuses des Andes, j’estime avoir bien mérité une halte. Me reposer et me restaurer, pour mieux reprendre mon bâton de pèlerin.
Un berger, croisé ce matin dans les hauts pâturages, m’a indiqué la présence d’une petite auberge, en contrebas dans la vallée. C’est un petit établissement familial, simple mais chaleureux et fort accueillant. Je viens de m’y installer pour la nuit. En attendant l’heure bénie de mon vrai premier repas chaud depuis des jours, je me suis installé devant le bon feu de bois qui crépite dans le minuscule salon jouxtant la salle de restaurant. Confortablement installé dans un sofa, qui pourtant avait connu des jours meilleurs, j’entends la patronne qui s’affaire aux fourneaux. Excellent présage : un fumet parfumé s’insinue sous la porte de la cuisine, rampe vers le foyer, et anesthésie doucement mes narines d’un mélange de sucs de cuissons, et de fragrances d’herbes succulentes. Rassuré sur mon sort prochain, je me laisse bercer par le jeu envoûtant des flammes. Mon regard est alors attiré par une revue posée sur la table. Un vieil exemplaire tout fripé, du National Geographic. Mais pas n’importe lequel. Le sujet phare s’intitule: « The highest railway in the world ». Intrigué par les vertigineuses photos d’improbables viaducs arachnéens, les insondables précipices et les incroyables virages de ce train hors norme, je me plonge dans la lecture de l’article.
J’apprends ainsi que la ligne de chemin de fer, qui passe à proximité de l’auberge, est nommée « El Tren de la Sierra » ou train de la montagne, et qu’il était le plus haut ouvrage ferroviaire au monde, avant d’être détrôné il y a peu, par le train Pékin – Lhassa. Le sommet de la ligne est plus élevé que le Mont-Blanc. Le « Ferrocarril » relie la capitale, Lima, au niveau du littoral pacifique, à son terminus de Huancayo à 4.829 mètres d’altitude. C’est un invraisemblable et périlleux parcours, parsemé d’une cinquantaine de ponts, de soixante huit tunnels, d’une bonne vingtaine de zigzags, et de plus de mille cent cinquante virages ! Cet outil, capital pour l’économie péruvienne, a été conçu dans la seconde moitié du dix neuvième siècle, par un ingénieur américain. L’idée était de tracer un chemin de fer « là ou les lamas peuvent passer » ! Cet ouvrage d’art pharaonique a coûté la vie à des milliers d’ouvriers, et a bien failli mettre l’état péruvien en faillite, après quarante ans de lutte contre la nature, et de laborieux efforts. Le gouvernement a dû faire appel à des ouvriers chinois pour venir à bout de cette titanesque entreprise.
A cette altitude, la densité de l’air se fait tellement rare, que des infirmières, présentes dans chaque wagon, proposent de l’oxygène en bouteille, ou des tisanes à base de feuilles de coca, pour réconforter les passagers, victimes de malaises.
En son milieu, la ligne de chemin de fer passe par la ville de La Oroya, sur l’Altiplano, un des dix sites miniers les plus pollués au monde, et dont la présence a engendré la construction de cette voie chimérique. D’une part pour acheminer les minerais vers le port maritime de Lima, et d’autre part pour permettre aux ouvriers de se rendre à l’usine, et de rentrer chez eux deux fois par mois. La région regorge de trésors minéraux : or, argent, cuivre, zinc, plomb, cadmium et autres minéraux sont présents en quantité dans le sous-sol. Cet eldorado est exploité depuis dix mille ans par les hommes. Mais les fonderies ouvertes dans la cité au dix neuvième siècle, ont rendus l’atmosphère irrespirable, et l’air est tellement pollué qu’on y dénombre un taux de saturnisme, surtout infantile, parmi les plus élevé au monde.
Obnubilé par cette aventure humaine hors du commun, j’entame la conversation avec la patronne, tout en dégustant ses odorantes préparations. Ravie de mon intérêt pour la vedette locale, mon hôtesse m’apprend que le train pour Huancayo passe précisément à proximité le lendemain, en gare de La Oroya, et me confirme qu’il n’y a souvent que deux convois par mois. Elle me propose donc, si je suis intéressé par ce voyage, d’accompagner son mari le lendemain jusqu’à la ville. Il devait se rendre à La Oroya pour assurer le ravitaillement de l’auberge, et pourrait me déposer à temps pour m’embarquer à destination du toit du monde.
Sans une seconde d’hésitation, j’accepte chaleureusement son invitation, puis me retire dans ma chambre pour profiter du confort d’un bon lit, que je commençais doucement à oublier. Epuisé par ma longue marche, je sombrai dans un sommeil sans rêves. Comment aurais-je pu imaginer que la simple lecture de cet article allait faire basculer ma vie ? Longtemps avant que l’aube ne colore le sommet des montagnes, mon guide m’invita à partager un copieux petit déjeuner avec lui. Nous descendons maintenant vers la vallée, en cahotant sur la piste inégale, dans le grincement des ressorts fatigués de son vieux pick up. Après le silence sidéral des hautes montagnes, je vis difficilement le vacarme du moteur et le cahotement de la route. Le soleil illumine à peine le haut des crêtes montagneuses, quand nous arrivons enfin dans le cirque de La Oroya.
Aussitôt parvenu au centre de la cité, je regrette déjà la pureté des Andes. Cette infecte cité minière hurle comme une blessure ouverte dans la montagne. La ville ne tient son existence qu’à la présence d’une énorme concession minière. On y extrait encore aujourd’hui surtout du plomb, en quantité phénoménale, et sans le moindre souci écologique. L’aubergiste me confirme que les enfants de la région souffrent tous de saturnisme, tant la situation sanitaire est déplorable. Après avoir pris congé de mon hôte, je me dirige vers la gare, et prend un ticket pour le terminus, Huancayo. Je compte ainsi me rapprocher de Cuzco, but ultime de mon voyage. Ballotté comme fétu de paille dans cette humanité surexcitée à mesure que s’approche l’entrée en gare du train , j’ai hâte d’arriver au sommet de la ligne, et de retrouver la solitude, sur les sentiers menant au Chemin de l’Inca, pour découvrir la cité de Cuzco au lever du jour, par la Porte du Soleil. Pas de doute, l’arrivée du train est l’Evènement de la semaine à La Oroya ! Une foule bigarrée se presse sur les quais. Je me fraye tant bien que mal un passage, pour approcher du quai, et avoir une chance de trouver ma place, que j’ai pris la précaution de réserver. Je passe le temps en observant l’incroyable chatoiement des couleurs qui illumine les tissus des vêtements péruviens. Malgré la rudesse du climat, la difficulté de respirer en haute altitude, et la pauvreté de leurs ressources, les gens d’ici m’épatent, par le kaléidoscope des couleurs les plus vives, la beauté simple des dessins naïfs qui ornent le moindre de leur vêtement, et la joie inhérente qui s’en inspire. Le bleu cyan côtoie le rouge magenta ou le turquoise, et les couleurs sont rendues encore plus lumineuses, par contraste avec le noir des chapeaux et gilets. La tension est à son comble, quand nous constatons que l’horaire ne pourra être respecté. « Il » est en retard !
Enfin, le train tant attendu entre en gare. Une locomotive noire comme charbon, suante et soufflante comme une vieille asthmatique, tire tant bien que mal une douzaine de wagons, peints dans un ton rouge foncé, qui souvent peine à masquer la rouille. A peine les portes sont-elles ouvertes, que le brouhaha de la foule s’amplifie, et la bousculade tourne presque au pugilat, pour rentrer dans les précieux wagons. Bien entendu, quand enfin j’arrive à ma place réservée, elle est occupée par une dame plantureuse, munie d’un énorme cabas, et surmontée d’un chapeau boule bien ancré dans sa chevelure de jais. Non, elle ne bougera pas, bien décidée à camper sur sa position. Et ce n’est pas la vue de mon ticket, dûment estampillé, qui y change quelque chose.
Je me résigne à me plier aux habitudes locales, et rechargeant mon sac au dos, je descends du train, dans l’espoir de trouver une place libre. Wagon après wagon, je constate que je n’ai pas du tout la bonne technique pour monter à bord de ce convoi. Ici, c’est la débrouille, et le plus rapide est le premier servi. Pourtant, je n’ai aucune envie de moisir pendant quinze jours dans cette ville suffocante. Je commence à perdre espoir, en examinant la suite de compartiments bondés, quand j’aperçois une place libre, au début du tout dernier wagon. Je constate alors avec un certain malaise, que, comme l’annonçait l’article, dans chaque wagon, se trouve effectivement une infirmière, qui distribue de l’eau, de l’oxygène et du thé aux feuilles de coca, pour ceux qui souffrent du mal de l’altitude. Je trouve in extremis un endroit où déposer mon encombrant sac à dos, et m’assieds enfin sur la banquette en bois. Oh, ce n’est pas le grand confort, évidemment, mais au moins je suis assis ! Et c’est heureux car il me faudra patienter six heures dans ce train, avant d’atteindre la destination finale.
A ma droite, contre la fenêtre, une petite dame toute fluette, aux joues rougies par le grand air frais de la montagne, donne à manger au petit garçon qui se trouve en face d’elle, et que je suppose être son fils. Tout en mâchonnant, le petit n’a d’yeux que pour moi. J’imagine qu’il me voit comme un extraterrestre, avec ma peau blême, ma barbe folle, mes cheveux ébouriffés, et mes vêtements couverts des poussières du chemin. Les trois autres personnes qui occupent la même banquette que moi, sont des ouvriers miniers, qui parlent entre eux un patois local - bien incompréhensible pour moi - tout en mâchant des feuilles de coca, qui colorent leurs dents d’une ombre noirâtre, ma fois peu appétissante. Je concentre donc mon attention sur la porte du wagon, d’où l’on aperçoit le soufflet qui donne accès au wagon précédent. Il charrie une noria de gens qui cherchent encore à s’installer. Mais peu à peu le calme revient, et après un sifflement de vapeur au son antédiluvien de la machine de traction, le convoi se met laborieusement en branle à l’assaut de la pente de la montagne. Les heures passent…
Bercé par le rythme poussif de la lourde locomotive, de ma position j’observe le paysage. Avec une angoisse grandissante, mes yeux découvrent le défilé à peine croyable de précipices vertigineux, de gorges profondes et resserrées, de virages en épingle à cheveux, que franchissent des ponts métalliques aussi fragiles que de fluets échafaudages de bambou. Je me perds dans le compte des dizaines de viaducs, de tunnels et autres ouvrages d’art à la limite du supportable, que le trajet, souvent lové sur lui-même permet de découvrir avec une hallucinante réalité. Au plus nous montons en altitude, au plus la pente se fait sévère et abrupte.
La vue est grandiose, certes. Ce voyage, qui semble devoir se terminer dans les nuages, restera certainement gravé dans ma mémoire jusqu’à mon dernier souffle. La végétation est de plus en plus clairsemée, l’univers devient minéral, et le manque d’air, de plus en plus pénible à mesure que nous montons, accentue l’impression de voyager sur la planète Mars. Après quatre heures de montée laborieuse, l’air se fait de plus en plus rare, et la locomotive montre des signes d’essoufflement inquiétants. Je ressens nettement qu’elle ralentit, à l’approche d’une courbe particulièrement vicieuse.
Sans doute le machiniste s’en rend-il compte, car je perçois nettement une montée de pression de la vapeur, et un sursaut de la machine. Un à coup un peu abrupt dans la traction se répercute alors de wagon en wagon, jusqu’à atteindre le nôtre. Il y a alors un bruit sourd - quelque chose comme un « THUMB » - encore qu’on ne puisse vraiment pas parler de surdité pour un son, dès l’instant ou on le perçoit. Immédiatement après ce choc, j’entends - et hélas avec horreur je vois - se détacher le soufflet nous reliant au convoi, brutalement arraché… Dans un silence de mort, le wagon s’immobilise lentement, en un instant de temps suspendu. Durant cette interminable seconde, plus aucun bruit n’est perceptible. Les gens se figent comme pétrifiés, pas un souffle ne sort des poitrines étreintes par l’angoisse… Temps suspendu. Temps suspendu…
La seconde qui suit, je la vis comme un film au ralenti : le wagon freine dégressivement, jusqu’à l’arrêt complet… La centaine de personne qui m’entoure, prend conscience à cet instant même, que l’irrémédiable vient de se produire… Chacun se retranche dans un silence oppressant, dans l’espoir fou d’entendre le wagon reprendre sa progression… Les mineurs qui me font face, gardent la bouche ouverte, sur une bouillie de coca en attente de mastication… La jeune mère à mon côté ouvre des yeux exorbités, et crispe ses mains sur la tablette de bois… L’ombre, qui aurait dû se trouver à la place du soufflet, est remplacée par un crépitement de poussières, dorées par le soleil couchant…
… Lentement… Très lentement d’abord… Le wagon répond à l’irrépressible attraction terrestre, et reprend doucement le chemin de la vallée ! Mais la pente est trop forte, et il ne faut que quelque secondes, pour que le convoi prenne de la vitesse. A cet instant, une clameur panique s’expulse de toutes les gorges angoissées, dans une gamme hystérique, dispersées entre les basses des hommes, et les sons plus aigus des femmes et des enfants.
Couvrant ce tumultueux torrent de hurlements, j’entends un homme batailler dans le couloir central, pour se frayer un passage vers le haut du wagon. Une seconde plus tard, il déboule à mes côtés, et se précipite sur un volant métallique, à proximité de la porte, maintenant ouverte sur le vide.
C’est assurément un employé de la Compagnie. Je comprends qu’il veut manipuler le frein de secours, mais le wagon a déjà pris assez bien de la vitesse. Il serre le volant du mieux qu’il peut, faisant jaillir un feu d’artifice d’étincelles de part et d’autre des trains de bogies, quand la fonte des freins à disque mord l’acier des roues.
Comme à regret, le wagon ralentit enfin, juste à temps pour franchir un virage en épingle à cheveux hallucinant, et de s’engouffrer dans le noir complet d’un interminable tunnel. Les étincelles produites par les freins sont les seules sources de lumière.
Le calme revient peu à peu, à mesure que le machiniste parvient à maîtriser le wagon, et chacun se remet à espérer. Je vois l’homme de la Compagnie ployer sous son effort de freinage, et je me précipite pour lui prêter main forte, et l’aider à serrer le volant salvateur.
Las, au moment où je veux mettre mes mains à contribution, un craquement sinistre se produit, et l’employé s’écroule au sol, le volant du frein dans les mains ! Immédiatement, les étincelles disparaissent, nous plongeant dans un gouffre d’obscurité … Et le wagon reprend de la vitesse. Plus rien maintenant ne peut freiner le convoi fou. Au sortir du tunnel, le paysage défile déjà à une allure impressionnante, augmentant la panique des passagers. Toujours maître de ses émotions, l’employé de la Compagnie essaie de faire comprendre à chacun qu’il faut libérer la travée centrale, et se coucher sur les banquettes dans le sens de la descente, pour limiter les dégâts et les blessures, qui surviendront après l’inévitable déraillement.
Nous arrivons à une courbe de la voie, en fer à cheval, et la vitesse est maintenant telle que les roues du wagon se soulève du côté interne de l’arc. Les hommes les plus valides montent alors vers les fenêtres qui nous donnent l’horrible sensation de basculer, et notre contrepoids est heureusement suffisant pour reposer le wagon sur les rails.
Mais nous sommes loin d’être sortis d’affaire ! Le convoi reprend de plus en plus de vitesse, s’élançant sur une pente quasi rectiligne, et qui nous mènent tout droit vers un vertigineux viaduc en courbe, enjambant un puissant et écumant torrent de montagne.
L’inévitable se produit alors au milieu du fragile pont. Le wagon, déstabilisé par l’hallucinante vitesse et par la courbure ivre des voies, bascule, dévisse, déraille, et … plonge dans le vide… Dans le hurlement hystérique des malheureux qui s’agglutinent les uns sur les autres, les pleurs des enfants, les cris suraigus des femmes, le convoi s’enfonce dans le canyon, dans un silence de métal, bien plus inquiétant que le grincement des bogies sur les voies.
Explosion de verre et d’acier, trombes d’eau du torrent pénétrant dans le compartiment du fond, hurlements de terreur et de souffrance des blessés, le monde s’écrase comme sous la pression d’un gigantesque broyeur.
Tétanisé par la peur, je m’agrippe au bord de la banquette maintenant en position verticale, je vois avec horreur les compartiments s’écraser progressivement au beau milieu des eaux torrentielles, dans le fracas du verre, du métal, et des chairs broyées.
Comme un macabre jeu de Tetris, les compartiments s’emboîtent les uns dans les autres, ne laissant aucune chance aux survivants qui tentent de se sauver de l’écrasement ou de la noyade. Des corps informes, disloqués par la chute brutale, s’écrase dans le charnier du fond du wagon, qui se remplit d’une eau de plus en plus rougie par le massacre des innocents voyageurs. Il n’y a plus rien à faire. A mesure que le torrent furieux envahi les compartiments, un silence effrayant envahi ce qui reste de l’habitacle. Et pourtant, dans un dernier sursaut d’espoir, une puissante décharge d’adrénaline me propulse vers le haut du compartiment, ou je garde un infime espoir de pouvoir m’échapper de ce train de la mort, par le trou béant de la porte, arrachée de ses gonds pendant la catastrophe.
Mais au moment précis ou j’arrive à agripper le cadre de la porte, et que je tente de m’y hisser, tout le haut du convoi se replie sur lui-même, m’écrasant inexorablement contre la carcasse de métal hurlant. Un choc brutal à la tête me fait perdre conscience. C’est la fin du voyage. Comme un dernier trait d’humour de la vie qui me quitte, je perçois sur ma mémoire rétinienne, le point rouge de l’œil du Terminator qui s’éteint.
Rudement secoué par une longue série d’aiguillage pour atteindre la ligne TGV en site propre, mon front a heurté le cadre métallique du châssis de fenêtre, et m’a brutalement sorti de mon léger sommeil.
En sortant de la gare Lille-Europe, le Thalys qui m’emmène à Paris, s’élance dans la campagne vide qui entoure la métropole du Nord, et me promène à plus de trois cents kilomètres à l’heure, dans le vrombissement électrique de ses thyristors enfin libérés . Du revers de la main, je brosse la manche de mon veston, légèrement froissé par mon court assoupissement sur la vitre fraîche.
Bien que l’on s’y sente parfaitement en sécurité, je m’émerveille toujours de ces rapides motrices, qui roulent vraiment … à un train d’enfer.
Et je ne peux m’empêcher de penser à Joris, parti en Amérique du sud, il y a de cela plusieurs semaines, sur les traces de Che Guevara. Après avoir reconstitué l’itinéraire du médecin argentin avant son engagement dans la guérilla castriste, il a parcouru des milliers de kilomètres, en stop, en train et à pied, et poursuit actuellement son périple.
J’ai justement reçu une très belle carte de lui, expédiée d’une petite ville du Pérou dont j’ignorais jusqu’au nom.
Puisse-t-il y avoir trouvé sa voie.