Écrits de Léon Delcourt

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L'origine de ma passion pour l'écriture

En 1982, ma femme et moi avons cassé notre tirelire, pour effectuer un grand voyage à travers le Mexique. A Mexico, nous avons logé dans un hôtel situé au sommet d'un gratte-ciel. Celui-ci s'est complètement effondré, lors du terrible tremblement de terre de 1985.

Outre le Zocalo (place et cœur historique de la ville de Mexico), Tenochtitlan (Capitale des Aztèques, et pyramides du Soleil et de la Lune), nous nous sommes plongés dans le marché indien de "La Merced". Nous y étions les seuls blancs, dans une foule compacte d'amérindiens ! ... Pour nous qui n'avions jamais quitté l'Europe, le décalage culturel était foudroyant.

Après les splendides villes espagnoles du nord du Mexique, et Taxco, une des plus grandes régions de production d'argent au monde, nous avons traversé le désert, ses cactus et ses serpents à sonnettes, pour atteindre Acapulco. Nous y avons "essuyé" un effroyable ouragan, qui nous abandonna trempés jusqu'aux os, mais heureusement sauf. A cette époque, les rives de l'océan Pacifique étaient envahies par de nombreux hippies, attirés par la drogue facile et le climat paradisiaque.

Plein sud ensuite, pour atteindre la ville de San Cristobal de Las Casas, ville espagnole, en plein cœur du pays Tzotzile (fiers indiens aux marches du Mexique et de la frontière guatémaltèque).

Un jour, nous progressions en direction de la jungle qui borde la frontière avec le Guatemala. En zone indienne. Nous avons appris par hasard la présence d'un dieu Jaguar, à 40 km de piste de la route principale. Traversant villages et moissons, dans un minibus VW surchauffé comme un grill, nous nous sommes vite transformés en statues de sable, et passablement secoués par le chaos de la piste.

En 1982, les "péons" qui travaillaient aux champs (paysans réduits en quasi esclavage par les grands propriétaires terriens), levaient le poing en nous voyons passer. Malaise.

L'extrémité du chemin se terminait en cul de sac sur une esplanade herbeuse. Aucun village, aucune habitation visible. A l'est, face à nous, la jungle semblait impénétrable. Au nord, une improbable et immense basilique de style baroque espagnol semblait attendre les fidèles. La perspective était fermée au sud, par une barre de montagne particulièrement à pic. Hirsutes et gris de poussière, nous avons franchis l'enceinte, encore intacte, du cimetière qui ceignait l'immense édifice religieux, puis nous nous sommes aventurés à l'intérieur des murs. Le vaisseau de pierre était encore intact, quoique délabré. La toiture avait disparu, à l'exception du cœur, qui protégeait toujours le maître-autel.

Point de fidèle en vue. Mais les dorures et les angelots de l'autel étaient habités d'une faune multicolore, aras, oiseaux-cardinal d'un rouge flamboyant, et même un oiseau-Quetzal, emblématique du Mexique. Point de Dieu Jaguar non plus. Un peu dépité par cet échec qui nous avait coûté une demi-journée de piste épuisante, nous avons rebroussé chemin vers l'esplanade.

A notre grande stupéfaction, la sortie du cimetière était bloquée, par une quinzaine de paysans indiens. Peur. Peur irrationnelle de l'autre, l'inconnu.

Rapidement, ils nous ont rassuré sur leurs intentions: cela faisait des lustres qu'ils n'avaient pas vu d'étrangers. Quand nous leur avons exposé le but de notre visite, l'un d'eux a pointé du doigt une excavation, tout en haut de la montagne. Et il s'est proposé de nous guider vers le temple du dieu Jaguar. Nous avons donc gravi plus de 400 marches, taillées à même le flanc de la falaise, pour parvenir à une étroite et vertigineuse corniche.

Au bout du chemin, après avoir payé notre obole pour la conservation du site. Puis il nous guida à l'intérieur d'un court et ténébreux boyau, creusé dans la roche. Très vite, la luminosité de centaines de bougies ont fait apparaître une vaste excavation circulaire, culminant par un dôme. Le pourtour était composé de sièges grossièrement taillés dans la pierre, dans lesquels on nous proposa de nous asseoir. Au fond de la caverne, un immense dieu Jaguar, de plus de trois mètres de haut, était taillé à même la montagne. Ses crocs, éclairé du bas par la lueur tremblante des bougies, luisaient d'un éclat millénaire. Au pied de la statue, un chamane priait, les yeux fermés. Respect.

Impossible évidemment de photographier ce lieu de culte, toujours bien vivant. C'est à dater de ce jour, que j'ai décidé de consigner dans des carnets de route nos aventures de voyage. C'est probablement la raison pour laquelle les récits de voyage prennent une place importante dans mon écriture. Ensuite, sont venues des nouvelles. Personnelles, ou en réponse à des concours. La Révolte du Mouton est mon premier roman publié.